La culpabilité du survivant à la suite d’un cancer peut aggraver les sentiments de chagrin et de perte. Alice-May Purkiss partage cinq conseils pour aider à gérer ce mélange d’émotions fort et complexe.
Il y a quelques semaines, j’ai appris que mon amie Saima était décédée. C’était un dimanche soir, et j’avais passé la journée à m’affairer dans mon appartement, me sentant frustrée par des choses sans conséquence, lorsqu’un ami m’a laissé un message vocal pour m’annoncer cette nouvelle.
Soudain, toutes les petites contrariétés de la journée ont disparu. Quel privilège de pouvoir se soucier des petits détails de la vie ! Quel privilège d’être en vie et d’être irritée par des choses sans importance comme le rangement des chaussures et les murs qui nécessitent d’être repeints !
Saima était une personne exceptionnelle, à qui l’on avait diagnostiqué un cancer du poumon de stade 4 avant même qu’elle atteigne ses 30 ans.
Elle était bien connue au sein de la communauté des personnes touchées par le cancer pour ses prises de parole passionnées et bien articulées sur le vécu d’une personne de couleur vivant avec le cancer. Elle parlait des disparités au sein des différentes communautés. Elle s’efforçait de briser le tabou du cancer, qui est très répandu dans de nombreuses cultures.
Elle était une pionnière et une influenceuse. C’était une belle personne. Nous sommes tous très profondément affectés par sa disparition.
Et je me suis sentie très coupable.
Saima n’est pas la seule disparition à laquelle j’ai dû faire face au cours des dernières années. La communauté des personnes touchées par le cancer est un groupe soudé, en particulier la communauté des jeunes qui utilisent Instagram comme outil pour rester en contact et partager. Mais quand on fait partie de cette communauté, nous sommes parfois confrontés à la mort.
Des personnes que vous connaissez meurent.
J’ai 31 ans et j’ai dû faire face à la mort autour de moi, alors que j’ai été épargnée. Et, à chaque fois qu’une connaissance meurt, cela génère une multitude d’émotions complexes qui me prennent beaucoup de temps à décortiquer. La tristesse, la colère, la peur et un profond chagrin s’entremêlent pour créer un chaos intérieur qu’il faut surmonter.
Et par-dessus tout cela, il y a toujours de la culpabilité.
La culpabilité du survivant que j’ai ressentie après mon cancer a été un gros problème au cours de ces dernières années. C’est un syndrome courant dont on trouve la définition dans le dictionnaire de Cambridge : « des sentiments difficiles et douloureux causés par le fait d’avoir survécu à une situation dans laquelle d’autres personnes sont mortes ».
En général, elle est liée au trouble de stress post-traumatique (TSPT) que l’on associait autrefois uniquement à des évènements traumatisants comme des accidents graves ou des guerres et conflits. A présent, ce syndrome est aussi fréquemment associé à la survie au cancer.
C’est compliqué.
Si vous continuez à fréquenter la communauté après votre rémission, vous rencontrerez et établirez des liens avec des personnes qui ne survivront peut-être pas à leur maladie. Alors, est-ce qu’il vaut mieux se protéger de la culpabilité du survivant en évitant la situation, ou rester et rencontrer des personnes exceptionnelles vivant avec le cancer, en tenant compte de l’incertitude que cela implique ?
Pour moi, le choix s’est imposé naturellement. J’ai rencontré tant de personnes incroyables que j’ai choisi d’essayer de gérer ma culpabilité du survivant plutôt que d’éviter des situations où je pourrais la ressentir.
Depuis un certain temps maintenant, je travaille avec mon amie Sophie Trew, qui se trouve également être coach mental spécialisé dans le cancer, pour surmonter les émotions douloureuses et complexes liées à la survie au cancer.
J’ai compilé cinq conseils que j’ai appris en travaillant avec elle sur la gestion de la culpabilité du survivant.
Tout d’abord, lorsque ces sentiments de culpabilité vous assaillent, il est très important de vous parler avec bienveillance comme si vous parliez à un ami ou à un être cher. Je suis beaucoup plus empathique envers les autres qu’envers moi-même, et j’imagine que je ne suis pas la seule.
Je pense à ce que je dirais à quelqu’un d’autre qui est confronté au double dilemme du deuil et de la culpabilité du survivant, et je l’applique à moi-même. Je me dis qu’il est acceptable de ressentir ce que je ressens et que personne n’est responsable.
Le cancer est un ennemi cruel, qui prend des vies sans raison. Il ne faut pas avoir honte de survivre.
C’est un vieil adage : un problème partagé est un problème réduit de moitié. Lorsque nous parlons de nos problèmes avec des amis, nous pouvons nous sentir moins isolés avec ces sentiments.
Si vous parlez à un autre survivant du cancer, il y a de fortes chances qu’il ressente ou ait déjà ressenti, à un moment ou à un autre, exactement la même chose. Sophie est souvent la personne vers qui je me tourne pour ce genre de discussion. Honnêtement, en parler m’enlève toujours un poids.
Nous commettons souvent l’erreur de nous dire que nous ne devrions pas ressentir telle ou telle chose, mais prendre le temps de reconnaitre ses émotions est essentiel pour les gérer.
Il est également vrai que la culpabilité du survivant est une émotion intrinsèquement liée au deuil, il est donc crucial de prendre le temps de « digérer » le chagrin que vous ressentez.
Dans les jours qui ont suivi la mort de Saima, je suis allée nager plusieurs fois pour me rappeler à quel point la vie est un cadeau précieux. Je lui ai dédié chacune de ces séances de nage.
Lorsque les choses vous semblent incontrôlables, essayez de mettre en place une routine qui inclut de faire chaque jour quelque chose que vous aimez. Ce peut être cuisiner, courir ou faire du yoga. Vous pourriez trouver du réconfort dans la lecture ou dans le fait de mettre vos sentiments par écrit. Quelle que soit l’activité qui vous rassérène, prévoyez du temps pour la pratiquer au quotidien.
Rester occupé est un excellent moyen pour gérer la culpabilité du survivant. Ces occupations vous permettront de vous sentir moins accablé.e par les émotions. Avoir des activités productives aidera d’autant plus.
Et pour finir, même si vous avez l’impression d’être seul·e, vous ne l’êtes pas. De nombreuses personnes ont vécu un parcours similaire au vôtre et comprendront ce que vous ressentez. Il peut être utile de parler à quelqu’un pour exprimer toutes ces émotions ressenties en lien avec la culpabilité, le deuil ou la dépression, que ce soit avec un proche ou avec un professionnel.
COB-FR-NP-00102 – avril 2024